De l’intérêt de faire quelques recherches… à partir d’une lettre presque anonyme… un vrai écheveau à dérouler sur les traces d’un aventurier !
Voici une enveloppe expédiée de SAINT-PORCHAIRE et à destination de Julien VIAUD, aspirant de marine à bord du Vaudreuil. Julien VIAUD est plus connu sous le nom de PIERRE LOTI. Cette enveloppe de deuil est affranchie avec un 20c de l’émission de Bordeaux (n°45B) annulé par le Gros Chiffre 3823 du bureau de SAINT PORCHAIRE.

Sur ce second courrier daté également de 1871 et adressé à LORIENT l’adresse du destinataire mentionne « à bord du Vaudreuil » puis redirigé vers les stations Française des Mers du Sud, mention « faire suivre en cas de départ »

Le Vaudreuil est un aviso à hélice, construit à Lorient et mis à l’eau le 26 août 1870. C’est un navire mixte à coque en bois de 64 mètres de long, effectif de 152 hommes. Pour sa première campagne, le Vaudreuil naviguera dans les eaux de l’Atlantique et du Pacifique, faisant la traversée de Lorient à Valparaiso par le détroit de Magellan. Julien Viaud y est affecté comme aspirant du 15 mars au 1er novembre 1871.

en 1872 il est aspirant de marine à bord du Flore, la lettre ci-dessous est à destination des stations des Mers du Sud « aux bons soins du Consul de France » à PANAMA. Taxe colombienne bleue 10 centavos, griffe PP Port Payé en rouge:

Ci-dessous, deux correspondances de deuil datées du 3 mars et du 3 mai 1874, affranchies à 25c (tarif militaire pour à la station du Sénégal). Le timbre à date est au type 17 et les timbres sont annulés par le Grand Chiffre 3823 de Saint-Porchaire. On notera que L’expéditeur est le même que précédemment et que Julien Viaud est monté en grade, passant d’aspirant à enseigne de vaisseau.


L’Aviso Pétrel a été construit au havre et armé pour la première fois en 1873. C’est un bâtiment à voile et à vapeur muni de roues à aubes. L’enseigne de vaisseau Julien Viaud embarque sur le Pétrel le 21 septembre 1873. A bord de cet aviso il effectue sa première campagne au Sénégal pendant presque un an, jusqu’ au 25 mai 1874.


Sur cette enveloppe de la même époque, on retrouve le même expéditeur et même bureau de départ. Lorsque l’on écrivait à un marin à bord d’un vaisseau de la Marine en Méditerranée, la correspondance devait obligatoirement être adressée à : Escadre de la Méditerranée -Toulon

En 1876 Pierre Loti est à bord de la Couronne. Ce navire faisait partie de la flotte de Napoléon III lors de sa visite en Algérie en 1865. C’était un trois-mâts possédant 1 620 m2 de voilure mesurant 80 mètres de long pour 16,7 mètres de large. C’est la première frégate française dont la coque est entièrement en fer, elle fût construite à Lorient.

Quelques éléments historiques :
– Les parents de Pierre Loti se marient en 1830 et s’installent au 141 de la rue Saint-Pierre à ROCHEFORT SUR MER, devenue depuis rue Pierre Loti, dans une maison appartenant à la famille de sa mère. La maison restera propriété de la famille jusqu’à la mort de Samuel le fils de Pierre Loti en 1969, et l’achat de cette maison par la Ville de Rochefort,
– Marie la soeur ainée de Pierre Loti, après son mariage en 1864, habitait à Saint-Porchaire. C’est au domicile de celle-ci que la famille se réunissait souvent et où Pierre Loti avait sa chambre personnelle lorsqu’il venait y passer quelques jours, ci-dessous le faire-part de son mariage:

– Les trois enveloppes de Saint-Porchaire sont écrites par Marie à son frère,
– Enveloppes de deuil : Elles sont postérieures au décès de leur frère Gustave décédé en 1865, à celui de leur père en 1870. Quant à leur mère, à l’époux de Marie et aux tantes tante Marie-Julie Viaud ou Adèle Viaud leurs décès est postérieur à l’envoi de ces courriers. Il peut s’agir du décès dun grand père ou d’une grand grand mère dans la famille Viaud ou encore d’un décès dans la famille de l’époux de Marie.
Voici le faire-part annonçant le décès de Louis-Gustave en 1865, chirurgien de deuxième classe dans la Marine, mort dans le golfe du Bengale à l’âge de 28 ans:

Documents faire-parts collection de Mr François DES MENARDS
Autres correspondances


Une lettre rare
Cette lettre est une pièce rare, et qui dit rare, dit onéreux, et cela pour deux raisons : les lettres écrites par Pierre Loti sont exceptionnelles sur le marché philatélique et le timbre à date « Escadre de la Méditerranée» est beaucoup plus rare encore. Mais la reproduction de cette lettre nous permet de voir l’écriture de Pierre Loti et de constater que même lorsqu’il écrit à sa mère il signait de son nom d’écrivain.
La lettre est adressée à sa mère (son père était décédé en 1870). Le courrier des marins en service en Méditerranée transitait par Marseille qui apposait le timbre à date « Escadre de la Méditerranée – Marseille ».
Le 21 juin 1876 correspond à la date de la prise charge de la lettre par l’administration postale sur le sol français, la lettre ayant été écrite antérieurement. Le courrier de l’escadre était amené à Marseille soit par un navire de la Marine, soit par un des paquebots français ou anglais des lignes du Levant.
Exemple du cheminement d’une lettre
1877 Enveloppe de Smyrne destinée à Julien Viaud


A Constantinople (Istanbul), à tarif postal identique, selon les dates de départ des navires et des trains pour la France, l’expéditeur, pouvait s’il le souhaitait, choisir le mode d’acheminement de ses correspondances. L’expéditeur indiquait alors voie de mer (ou voie de Smyrne) ou bien il indiquait voie de terre (ou voie de Varna).
Le parcours de la lettre
– Au recto : départ Smyrne 6 avril 1877, au verso ambulant Marseille à Lyon spécial le 11 avril, ambulant Cette (ancien nom de Séte ) à Bordeaux le 12 avril, Rochefort le 12, 4ème distribution.
– La lettre n’est pas allée jusqu’à Lyon. Elle a quitté l’ambulant à Tarascon dans les dépêches pour le sud de la France et a été transportée par un convoyeur jusqu’à Cette (Séte) via Nîmes, puis elle a été prise en charge et traitée par l’ambulant de Cette à Bordeaux.