Maréchal me voilà…C’est ce qu’aurait pu se dire cette enveloppe oblitérée le 21 août 1940, après avoir été glissée dans la boite aux lettres du bureau de poste de Matha.


Des milliers de correspondances ont été adressées à Pétain et le timbre-poste au type Iris est celui de la lettre ordinaire. De là à déduire que cette enveloppe ne présente aucun intérêt il n’y a qu’un pas. Mais il serait dommage de le franchir car cette enveloppe a été postée durant la courte période de blocage total du courrier imposé par l’occupant et si à cela on ajoute des erreurs postales, certes mineures, faites sur son recto et son verso, nous avons là un document témoin actif de l’histoire.
Le 14 juin 1940, Paris est occupé, le 22 juin 1940 l’armistice est signé, le 4 juillet la France est coupée en deux zones. Pour renforcer la surveillance du courrier entre les deux zones, l’occupant exige que chaque zone dispose de son propre timbre-poste pour les envois au 1er échelon de poids (lettre jusqu’à 20 grammes). Le timbre d’usage courant étant le type Iris à 1 franc 50 vert, l’occupant impose le rouge pour la zone occupée et le vert demeurant pour la zone libre.
Le 1er août, sans préavis, l’occupant suspend les relations postales entre les deux zones. Finalement, les relations interzones ne seront rétablies que le 26 septembre, mais uniquement autorisées sous la forme d’un entier-carte postale ( un coté adresse, un coté correspondance). La commune de Matha, comme toute la Charente inférieure se retrouve en zone occupée alors que Vichy est en zone libre, et le 21 août 1940 l’enveloppe et son contenu ne pourront pas atteindre leur destination.

Toute la population a très rapidement été informée de cette frontière intérieure et de sa fermeture.
Postée trois semaines après le blocage du courrier entre les deux zones, il semble que l’expéditeur de cette correspondance était quelque peu naïf de croire qu’elle serait admise du fait de l’importance du destinataire.
Particularités de l’enveloppe :
La présence d’un timbre-poste au Type Iris de couleur verte est normale car c’était le timbre d’usage courant en service depuis fin 1939. (Le timbre au type Iris rouge destiné à la zone occupée ne sera émis que le 25 janvier 1941).
Les lettres destinées au chef de l’Etat devaient être affranchies. La recommandation était obligatoire mais gratuite d’où l’erreur du postier qui a apposé la griffe « Chargé » au lieu de coller une étiquette de recommandation.
L’inscription « Zone libre non conforme » était l’expression conventionnelle, par contre « ouvert par erreur » n’a pas sa raison d’être. Une correspondance ne pouvant pas parvenir à son destinataire devait être retournée à son expéditeur. Celui-ci n’ayant pas indiqué ses coordonnées, l’enveloppe, elle a normalement été ouverte pour tenter de trouver le nom de l’expéditeur sur la lettre elle-même. Quant à la marque en forme de losange au verso, c’est une marque de recherche de l’expéditeur.
Cette simple enveloppe avec ses inscriptions au crayon gras est certes peu esthétique, mais le fait d’avoir été postée durant la courte période où la France était coupée en deux par une frontière hermétique la transforme en un document peu courant.